Jean-Baptiste André Godin (1817-1888) est à la fois un industriel de génie et un expérimentateur social pragmatique. Né dans une famille de petits artisans, il fonde en 1846 à Guise une entreprise de fonderie, industrie qui se révèle très vite prospère, lui apportant rapidement une énorme fortune. Godin se distingue par son sens de l’innovation et par le dépôt de nombreux brevets destinés à protéger ses inventions. Mais cet industriel a découvert très jeune les idées socialistes, puis les théories de Fourier. Afin de réaliser la concrétisation des idéaux fouriéristes, il décide de créer le Familistère, appelé aussi le « Palais Social », un ensemble architectural permettant à la fois de loger ses ouvriers et de leur fournir « l’équivalent des richesses ».
La plus ancienne photographie connue de J.B-A Godin
Marie Moret (1840-1908) est la seconde épouse de J.-B. A. Godin, dont elle est aussi une parente éloignée. Elle naît en 1840 dans une famille d’artisans. La relative pauvreté de sa famille la contraint à abandonner très jeune ses études, à son grand regret. Installée au Familistère dès 1860, elle devient un des plus proches soutiens de Godin et l’assiste dans ses travaux d’écriture et dans l’organisation des écoles du Familistère. Elle prend une part toute particulière dans la mise en place des institutions de la petite enfance, qu’elle supervise pendant de nombreuses années. Elle partage avec Godin un très vif intérêt pour les innovations pédagogiques qui se développent dans la deuxième moitié du XIXe siècle et développe elle-même une méthode destinée à faciliter l’apprentissage du calcul. Après la mort de Godin en 1888, elle se consacre à la diffusion de ses idées, poursuivant l’édition de ses œuvres.
La construction du Familistère de Guise débute en 1859. Jean-Baptiste André Godin construit d’abord les pavillons d’habitation, conçus de la façon la plus rationnelle possible ; mais son projet ne consiste pas seulement à loger ses ouvriers, il veut leur fournir « les équivalents de la richesse » : de nombreux équipements destinés à apporter confort et culture sont donc progressivement installés dans le « Palais social » : des économats, un théâtre, des écoles.
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Vue des écoles et du théâtre depuis l'entrée centrale du Familistère | |
Godin attache une grande importance à l’éducation, il entend « éduquer pour émanciper ». Il ouvre une école dès 1862 et le bâtiment des écoles est construit en 1869, en face des pavillons d’habitation ; il est agrandi en 1882 pour tenir compte de l’augmentation de la population enfantine du Familistère. L’école est à la fois le lieu du développement des facultés intellectuelles et morales de l’enfant et le lieu de son développement corporel harmonieux : « L ‘école peut, plus qu’on ne le pense, contribuer à former des enfants forts et bien portants, en même temps qu’elle les forme meilleurs » (Note manuscrite sur l’aménagement des salles de classe. 53 J 7)
| L'aménagement des salles de classe |
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Le plan du bâtiment des écoles comme l’aménagement des salles de classe a été soigneusement pensé par Godin, qui considère que des locaux bien organisés et un matériel adapté sont indispensables à l’efficacité de l’enseignement. La taille des classes doit être proportionnelle au nombre d’enfants en âge d’étudier. Godin admet un nombre de 40 à 50 enfants par classe. Les salles doivent être adaptées à l’enseignement : il faut que le professeur puisse de faire entendre sans effort d’un bout à l’autre de la classe, aussi la profondeur totale de la salle ne doit-elle pas excéder 10 mètres. Godin veille à créer un bâtiment largement éclairé et ventilé car « l’air n’est pur qu’à la condition d’être incessamment mobile et toujours renouvelé » ; il fait installer des croisées à bascule pour ventiler la classe sans craindre le dérangement des papiers par le vent… Ces fenêtres permettent aussi de faire entrer largement la lumière, de façon égale en tout point de la salle, afin de ne pas fatiguer la vue des élèves. Dans le même temps, la surface murale doit être assez importante pour disposer les cartes et tableaux. | |
Le mobilier scolaire |
Le mobilier est l’objet de tous les soins de Godin, qui veut adapter bancs et tables aux proportions des différentes classes d’âge. Pour ce faire, il fait prendre les mesures de tous les enfants fréquentant les écoles du Familistère et exploite ces statistiques pour calculer les dimensions idéales des tables et sièges.
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Mobilier scolaire, calcul de la taille des élèves.[1872] | |
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Mobilier scolaire Table pour le bambinat croquis, [1872] | |
La minutie du détail ne lui fait pas peur : il va jusqu’à calculer l’inclinaison idéale du dossier, pour permettre le repos du dos des élèves et ne pas les fatiguer inutilement. Un petit plancher est prévu sous les bancs pour isoler les pieds des élèves, afin qu’ils ne soient pas gênés par le sol froid. |
Le mobilier ainsi conçu est fabriqué dans les ateliers de l’usine. Il fait la fierté de Godin et l’admiration des visiteurs venus observer le fonctionnement du Familistère.
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Mobilier scolaire dessin aquarellé, [1872] | |
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Le Familistère avant 1914 photographie | | |
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Portrait de Marie Moret photographie, 1862 | | |
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